La Flûte enchantée

Titre original

Die Zauberflöte

Wolfgang Amadeus Mozart

Deux mondes, autrefois réunis, s’opposent. Celui du soleil et du jour, où règne Sarastro, qui enseigne la sagesse et la fraternité ; celui des ténèbres, dont la souveraine est la Reine de la Nuit, qui n’est qu’obscurantisme et esprit de revanche. Pour la soustraire à l’influence néfaste de sa mère, Sarastro a enlevé Pamina et la tient prisonnière dans son temple de la sagesse. La Reine fait croire au Prince Tamino qu’elle et sa fille sont les victimes du méchant Sarastro et le persuade d’aller délivrer Pamina. Tamino, qui parcourt dès lors un chemin d’épreuves, devra apprendre à discerner les faux discours, à reconnaître les vraies valeurs pour parvenir à la sagesse. L’amour de Pamina sera le puissant auxiliaire de cette initiation. L’oiseleur Pagageno accompagne Tamino tout au long de son apprentissage, et passera lui aussi du royaume de la Reine à celui de Sarastro. Mais sa bonne humeur se contente de peu : un verre de vin, un bon repas, et une Papagena, toute semblable à lui dans ses ambitions limitées.  

Il y a longtemps que Mozart connaît Emanuel Schikaneder. Depuis que cet acteur, chanteur, metteur en scène et directeur de troupe a pris en main le Theater auf der Wieden, leurs relations se sont resserrées, sans doute aussi au gré de leur appartenance à la même loge maçonnique. Et autour de Schikaneder, il y a toute l’équipe de son théâtre, comédiens-chanteurs, qui à l’occasion sont aussi compositeurs, avec lesquels Wolfgang se trouve à l’aise, proche d’eux par l’amitié et disponible pour collaborer. Il y a eu déjà, en septembre 1790, cette Pierre philosophale, ou l’Île enchantée (Der Stein der Weisen, oder die Zauberinsel), livret de Schikaneder et partition collective de Henneberg, Schack et Gerl pour laquelle Mozart a composé quelques numéros, et peut-être supervisé l’ensemble. Le climat est celui de la féerie, inspirée de Wieland, à l’origine déjà d’Oberon, König der Elfen (Obéron, le Roi des Elfes), un des premiers succès du Theater auf der Wieden. Dans les deux cas, c’est l’histoire d’un prince qui part à la recherche d’une princesse ; il est accompagné d’un joyeux compagnon, et pour affronter les épreuves qui l’attendent il peut compter sur un instrument enchanté. Au degré supérieur, des personnages doués de pouvoirs magiques s’affrontent ; au registre inférieur, un couple met de la bonne humeur mais échouera dans son initiation. Les ingrédients sont bons, pourquoi ne pas reprendre et développer la recette ? Cette fois en confiant la musique au seul Mozart.

Mais il s’agira sans doute encore d’un travail d’équipe pour le livret que signera Schikaneder, présent aussi comme interprète du rôle comique de Papageno. Schack et Gerl seront Tamino et Sarastro, les deux autres principaux rôles masculins, Henneberg dirigera les reprises après Mozart. Comme ce théâtre est une vraie affaire de famille, on trouvera encore la femme de Schikaneder dans le chœur, son frère Urban en Premier Prêtre et ses deux enfants déguisés en animaux, la femme de Gerl en Papagena, celle de Schack en Troisième Dame, la fille d’Urban en Premier Garçon. Belle sœur de Mozart, Josepha Hofer sera la Reine de la Nuit, et son mari sera violoniste dans l’orchestre. Qu’on se garde pourtant de considérer toute cette équipe comme des saltimbanques, montant des spectacles médiocres dans une salle de faubourg pour un public inculte. Les spectacles, en allemand, donc intelligibles pour chacun, attirent toutes les couches de la société, l’élite cultivée, les aristocrates, et l’empereur lui-même, n’hésitant pas à se rendre dans ce théâtre, dont la scène est grande et dont la machinerie permet un vrai luxe de décorations. Trente-cinq musiciens de qualité constituent l’orchestre, les chanteurs sont d’excellents comédiens. Rien donc qui ait forcé Mozart a réduire ses exigences.

On ne négligera certes pas d’accorder son importance à la dimension maçonnique de l’œuvre que Schikaneder et son équipe mettent sur pied. On a pu y voir l’apport personnel de Mozart, qui – plusieurs témoignages le prouvent – tenait à ce que l’on prenne le texte au sérieux. Mais c’est dans la synthèse – et non dans le disparate – qu’a résidé le succès et qui signera la réussite unique de la Flûte enchantée. On s’amuse aux pitreries de Papageno, on s’émerveille au spectacle du merveilleux, on s’émeut des amours du prince et de la princesse, on s’interroge sur la signification des rites, on tente d’interpréter la symbolique inscrite dans les épreuves.

Pierre Michot

Conférences sur cette œuvre

LA FLÛTE ENCHANTÉE, de Wolfgang Amadeus Mozart

Conférence
Conférencier.ère: Michel Noiray

Grand Théâtre - Grande Salle

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